Dès que les assemblées ont voté le texte final, un contrôle de constitutionalité a été sollicité, et le Conseil constitutionnel.
Saisi pour examiner la régularité de cette incrimination, le Conseil constitutionnel l’a déclarée conforme à la constitution, et a balayé le grief fondé sur le manque de clarté et de précision de l’incrimination.
Considérant que la seule dissimulation partielle du visage était suffisante pour déduire que les acteurs ne souhaitaient par être identifié, le Conseil a en outre estimé que la référence à un fait commis « au cours ou à l’issue » d’une manifestation dans le cadre de laquelle des « troubles à l’ordre public sont commis ou risquent d’être commis » permettait de déterminer avec suffisamment de précision la période pendant laquelle le délit pouvait être constitué.
Sur le grief de de l'insuffisance d'intentionnalité du délit, le Conseil considère que l'exigence d'une dissimulation volontaire du visage et l'absence de répression en cas de motif légitime permet de s'assurer de l'intention de l'auteur sans équivoque.
Sur le grief tiré de l'atteinte à la liberté d'expression et au principe de proportionnalité, le Conseil se contente sans aucune démonstration d'affirmer que le délit ne méconnaît aucun de ces deux principes.
En effet la question du respect de l’exigence de proportionnalité de la répression découlant du principe de nécessité des peines, pourtant validé par le Conseil constitutionnel, demeure un vrai débat devant le tribunal correctionnel lors des réquisitions ou des plaidoiries en défense.
S'il est vrai que l'appréciation de l'opportunité politique de recourir à un délit puni d'un an d'emprisonnement pour réprimer la dissimulation du visage au cours d'une manifestation revient au seul législateur, le Conseil se donne parfois les moyens de le rappeler à l'ordre en cas d'excès manifeste, notamment lorsque cet excès découle d'une incohérence même des textes. C'est ici démontrer par un contrôle « technique » (et non politique) de l'absence de nécessité ou proportionnalité d'une incrimination ou d'une sanction.
Or, en introduisant un délit de dissimulation du visage puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende sans avoir par ailleurs supprimé la contravention très semblable de l'article R. 645-14 puni d'une seule peine d'amende contraventionnelle de 1 500 €, les textes ne démontrent-ils pas par eux-mêmes que les peines du délit sont excessives ?
Il est d’ailleurs intéressant de souligner que, lors de l’audience du 29 novembre 2019, Madame le Procureur de la République n’avait requis que des peines d’amende avec sursis, réadaptant ainsi la gravité réelle du trouble à l’ordre public constaté, si tant est que trouble il y ait eu…
Un délit donc, et la possibilité d’y appliquer les mesures de la justice dite d’urgence (comparution immédiate, CPPV, CRPC, …), mais des réquisitions sans communes mesures avec l’appréciation d’opportunité politique retenue par les députés.
L’opportunité de maintien de l’ordre public aurait elle été sacrifiée sur l’autel de l’opportunité politique, visant à une répression toujours plus accrue des infractions politiques ?
Face à cet OVNI dans le paysage infractionnel français, il revient maintenant aux Tribunaux correctionnels de se positionner sur l’application de cette loi dans les faits d’espèce qui lui sont présentés.
Le Tribunal correctionnel de Marseille a été le premier à s’être prononcé sur l’application de cette nouvelle incrimination dans le cadre d’un dossier à grande échelle, puisque visant près d’une dizaine de jeunes gens, tous parfaitement intégrés socialement.
La relaxe a été générale le 13 décembre 2019…